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— Non je ne marquerai rien dans son carnet de santé, dit-elle en repoussant le petit carnet de Félix déjà bien rempli d’analyses et de commentaires, vous faites comme vous voulez, vous n’êtes pas obligés de le dire à l’école, ils ne comprennent pas toujours, cela relève du secret médical.

Sous le choc du diagnostic, nous étions face à la médecin cheffe du service neurologique à l’Hôpital Debrousse, le Docteur B.  Personnellement, j’entendais sans écouter pourtant elle était claire, franche, elle n’était pas du genre à faire des chichis. Je me souviendrais toujours de son énergie et son assurance qui me redonnaient confiance en sortant de son bureau.

Un jour, en retour de vacances, nous étions retournés dans le service pour le rendez-vous régulier, le couloir était morose et pour cause, la cheffe du service était décédée quelques jours plutôt… L’équipe essayait de travailler en gérant dignement son émotion, elle était appréciée, c’est sûr. Pour nous, ça a été un grand choc. Elle nous lâchait en plein début de traitement à la Dépakine, comment allions-nous faire ? J’avais tellement confiance en elle. C’est une autre neurologue qui nous a reçus et qui a suivi Félix jusqu’à ses 18 ans, même quand l’Hôpital a déménagé à l’Hôpital Femme Mère Enfant à Bron (69). Nous n’avions pas perdu au change, le Docteur B.  du Service Explorations fonctionnelles Neurologiques, était à notre écoute, elle a toujours été de bons conseils pour Félix, sa voix douce, avec son accent slave sonnait chaud. Il nous arrivait de discuter de choses et d’autres, de la vie de famille, des enfants, d’épilepsie en général, des recherches en cours…

Pour revenir au moment où le Docteur B. nous a annoncé le diagnostic, c’était en janvier 1999, je ne me rappelle plus exactement ce qui s’est passé, quand j’y pense j’ai comme un blanc, je ne vois rien.

1er EEG d’une longue série

Je n’ai pas oublié ce qui s’est passé avant par contre. Nous étions dans la salle d’attente de l’ancien Hôpital Debrousse, un vieux bâtiment perché dans la montée de Choulans au-dessus de Lyon, Hervé et moi, avec Félix qui devait passer un EEG*, le 1er d’une longue série. Du haut de ses trois ans et demi, Il voulait son papa auprès de lui, auprès du lit où il allait devoir faire la sieste, un matin dans une chambre d’hôpital sans volet et face caméra. Les EEG étaient filmés pour associer le tracé de l’activité cérébrale et les mouvements du corps ou les clignements d’œil.

Moi, dans la salle d’attente, j’attendais à côté d’autres parents inquiets, le visage fermé. J’entendais mon fils qui ne voulait pas dormir, hurler de plus en plus fort, mon cœur battait la chamade. Une infirmière est venue me chercher à la rescousse, j’en étais sûre, voilà j’arrive tout va bien se passer. Avec mes bras, j’ai entouré mon fils délicatement, il était rouge de colère et luttait contre le sommeil. Pour enregistrer son activité neurologique, les infirmières lui avaient poser des dizaines de fils sur le crâne et d’autres sur la poitrine, tous reliés à un boitier et à un écran. Pas facile de dormir en plein jour relié à un ordinateur, heureusement que cet examen n’est pas douloureux.

À chaque rendez-vous, le personnel soignant avait été très patient avec Félix qui avait fini par s’habituer. Il aimait se faire chouchouter après l’EEG au moment du shampoing pour enlever le plus gros de la colle des électrodes dans ses cheveux.

Le jour où la médecin cheffe nous a annoncé le diagnostic, Félix faisait de l’épilepsie absence*, je crois que nous l’avons écoutée, nous avons dit oui avec la tête et nous avons pensé très fort « Ouf ! Déjà, c’est pas une tumeur au cerveau. »

De retour à la maison, nous n’avions pas été assez convaincants, certainement, car notre entourage familial a longtemps douté du diagnostic et nous demandait souvent « c’est peut-être juste un manque de vitamine ? »

*EEG : l’électroencéphalogramme permet de mesurer l’activité électrique du cerveau.

* L’épilepsie absence se caractérise par une suspension soudaine de la conscience avec une fixité du regard durant quelques secondes.