— L’épilepsie c’est comme quand on met tout en marche à la maison, quand vous mettez en route la machine à laver, le lave-vaisselle et le four, qu’est-ce qui se passe ? les plombs sautent oui, et bien l’épilepsie c’est un peu ce mécanisme, les neurones se mettent tous à fonctionner ensemble et ça déclenche une crise, il y a autant de forme d’épilepsie que de malades… » Me voilà face à un amphi bondé de familles, le public était très attentif, certainement que la plupart ne connaissait pas bien cette maladie.
J’avais beaucoup d’émotion sur la scène de l’Espace Culturel EOLE de Craponne (69), je devais contenir mes larmes comme à chaque fois que je parlais de la maladie de mon fils, j’avais tellement souffert en tant que maman d’un enfant différent. Avant de descendre, je remerciais du fond du cœur les 150 jeunes musiciens mobilisés pour ce concert au bénéfice de l’association Epilepsie France*, j’appelais le public à faire un don et souhaitais bon concert à la salle comble.
Durant les semaines précédentes, les élèves de deux orchestres de musiques, EOLE et OFR**, avaient répété leurs morceaux pour ce projet de sensibilisation à l’épilepsie. Lors des répétitions, j’étais venus les rencontrer, les enfants avaient écouté avec un grand intérêt mes explications sur les mécanismes de cette maladie. En rencontrant leur directrice de l’école de musique, le feeling était tout de suite passé et le concert a été mis sur pied à la perfection.
Entre élan de solidarité et malaise
Sauf que le jour du concert, le 9 mai 2010, je n’avais jamais été aussi mal à l’aise, j’étais plein d’entrain pour mettre en place ce concert au bénéfice d’Epilepsie France, association nationale où j’étais adhérente active. C’était sans prévoir qu’entre-temps les relations internes à EF se sont très fortement dégradées à tout niveau et je me suis vue mise sur la touche. Toute communication avait été coupée ou presque. Non, on ne me rembourserait plus l’impression des affiches et des flyers du concert. Ce sont les profs de musique qui sont venus à ma rescousse en les imprimant de leur côté. Belle élan de solidarité incontestable des profs, mais quelle honte pour moi. En me punissant, l’association nationale punissait 150 jeunes musiciens, leurs profs, leurs parents et surtout les personnes atteintes d’épilepsie.
Je n’ai rien laissé paraître de mon malaise. Comment en étais-je arrivé là ? Mais quelle naïve j’étais ! Je ne pouvais pas annuler le concert, tous les élèves s’étaient investis, ils avaient répété toutes les semaines, j’étais venue aux répétions pour leur parler et les féliciter. Dans la salle, une seule personne d’Epilepsie France était là, envoyée pour assister au concert et faire son rapport, Moi, je n’avais rien à cacher, au contraire je voulais parler de la maladie au grand jour. Mon réseau me permettait de le faire alors je le faisais, sans prendre la place de quiconque. Je découvrais l’envers de la vie associative.
Le Médecin Chef nous posait un cas de conscience
J’appris plus tard que je n’avais pas été la seule à être un « dommage collatéral ». J’avais pu rencontrer et discuter avec d’anciens bénévoles, cela m’avait un peu aidée à digérer ces tensions que je considérais comme inutiles face à la cause des enfants malades. Le médecin chef du service Neurologique de l’époque m’avait conviée avec un ami bénévole très impliqué aussi. Dans son bureau du nouvel hôpital Femme Mère Enfant de Lyon (HCL), il nous avait suppliés de rester dans l’association pour le bien des relations avec l’hôpital. Il nous posait là un cas de conscience.
— Nous sommes désolés autant que vous docteur mais là nous ne sommes plus du tout en phase avec l’association, nous n’y avons plus notre place, c’est trop difficile à vivre, maintenant notre santé en est entachée et nous quittons l’asso à notre grand regret, nous nous sommes engagés pour défendre une cause et pas pour des batailles intestines.
Je m’étais investie sans arrière-pensée. J’étais sûre et certaine qu’une association nationale serait exempt des petites guerres de pouvoir que j’avais observées au niveau local dans ma commune, guéguerres qui m’avaient déçue et faite fuir ce milieu. Le bilan n’était pas totalement négatif, j’avais participé à l’organisation de belles actions de sensibilisation grand public. Pour l’heure, je choisissais donc de quitter l’association Epilepsie France avec un certain soulagement, ma santé était une priorité.
* Concert pour un projet de recherche sur l’épilepsie, Centre de Ressources sur l’Epilepsie de l’Enfant et de l’Adolescent (CREEA), porté par Epilepsie France et la Fondation IDEE
**Concert gratuit organisé par l’Association des Structures d’Enseignement Artistique du Rhône (ASEAR) et l’Ecole de Musique de Craponne