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La rentrée en 6ème même scénario ! Notre niveau de stress était plus élevé que pour celles en primaire non pas que je doutais des capacités de mon fils, jamais, mais parce que Félix aurait plusieurs professeurs. Seraient-ils tous aussi compréhensifs que les années passées ? Le suspens n’a pas duré longtemps…

Septembre 2006, jour de la rentrée, comme convenu avec Félix, je me suis présentée à sa prof principale :

— Je suis la maman de Félix, je dois vous prévenir qu’il fait des absences dans la journée, à ce moment-là il n’entend plus et ne peux plus suivre mais il raccroche les wagons, il a l’habitude.

J’ai senti dans son regard comme une petite tape sur l’épaule, l’air de dire « les mamans poules j’ai l’habitude ! »

— Vous z’inquiétez pas madame Charvin, ça va aller !

Je comprenais un peu sa réaction, elle devait aussi être en stress de la rentrée et ce n’était pas le moment de lui compliquer la vie avec un élève pas comme les autres.

Deux jours après, nous avions rendez-vous en urgence dans le bureau de la directrice adjointe, un peu pète-sec, l’autorité personnifiée.

— C’est grave ce qu’il a votre fils ! Il en fait toute la journée des absences !

— Bin oui, j’avais prévenu le proviseur, j’étais blasée de devoir encore expliquer les choses mais je restais calme, mais il suit à l’école, il a de bonnes notes… Je n’ai pas eu le temps de finir ma phrase que madame pète-sec a renchéri sans plus attendre.

– Ah oui ! Mais là, c’est plus grave que ce que je ne pensais, il ne peut pas suivre, on ne peut pas le garder ici, il faut qu’il aille dans un établissement spécialisé.

Je ne m’y attendais pas à celle-là ! Remettre en question les capacités intellectuelles de mon fils sagement assis à côté de moi, c’était inacceptable. Allez, courage ! Il est temps de remettre la machine en route et de monter au front. C’était comme gravir une montagne, encore, le p’tit à la main et je grimpe de l’autre. Je ne me souviens même plus vraiment ce que je lui ai sorti si ce n’est un refus catégorique, qu’il n’avait rien à faire dans un établissement spécialisé et que nous allions expliquer aux profs ainsi qu’aux élèves ce que c’est l’épilepsie et que tout irait bien. Pour ma part, c’était non négociable.

Franchement, je suis ressortie du bureau sans aucune certitude quant à la décision que prendrait la directrice adjointe. Nous avions tellement mis d’énergie pour que Félix se sente bien et fasse une bonne rentrée au collège que je n’avais plus la force de m’inquiéter. Nous avions fait le choix d’un collège privé, plus petit que l’établissement public de rattachement. J’ai passé quatre ans à défendre les droits de mon fils pour qu’il fasse du sport, qu’il ait un ou une AVS*, qu’il parte en sortie scolaire, qu’il bénéficie du tiers temps lors des contrôles… À chaque fois, j’ai tout arraché au combat, c’est vraiment comme ça que je l’ai vécu, ça a été une bataille au quotidien.

Je suis sortie de tout ça littéralement épuisée. Quelques années plus tard, j’ai ressorti mon habit de maman ourse pour ma fille scolarisée dans le même établissement, dans un autre contexte mais face à une direction toujours aussi catégorique.

Pourtant, au moment des inscriptions au collège, nous avions pris soin de signaler l’état de santé de notre garçon au proviseur. Il nous avait reçu, Félix, Hervé et moi, avant la rentrée. Confiants, nous lui avions bien expliqué les mécanismes de l’épilepsie absence, les symptômes, les bons réflexes à avoir. Nous n’avions rien caché pour que les profs ne soient pas surpris. Il avait pris des notes consciencieusement, il nous avait promis d’en parler à l’équipe des profs. Il n’a rien fait de tout ça, ou pas comme nous l’espérions. Les profs ne semblaient pas au courant, ils découvraient les symptômes de Félix au fur et à mesure de la semaine.

Après quelques jours d’école en 6ème, la prof principale de Félix n’avait pas pris soin de nous contacter, ni d’être présente au rendez-vous avec la directrice adjointe. Donc je suis allée la voir pour lui expliquer de vive voix et la rassurer sur les capacités intellectuelles de mon fils.

Félix a continué sa 6ème au collège. Il était très fatigué mais il a suivi tous ces cours, sauf lors de rendez-vous médicaux chaque mois. Ses résultats le plaçaient dans la moyenne de la classe, comme en primaire, il était apprécié de tous ses profs. Ses camarades de classe avaient très bien saisi l’enjeu de sa maladie, ils veillaient discrètement sur lui.

*AVS : Auxiliaire de vie scolaire