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Les plus jeunes peuvent nous donner de belles leçons de vie. Nous l’avons vécu de l’intérieur à chaque rentrée scolaire. La solidarité des élèves s’est révélée de façon naturelle et nous a apporté un grand réconfort.

C’est vrai que la médecin cheffe nous avait laissé libre choix d’annoncer ou pas la maladie de Félix au moment de la rentrée. La veille de chaque rentrée en primaire, j’en discutais donc avec mon fils.

— Qu’est-ce que tu en penses, on le dit ou on le dit pas à la maîtresse demain ? 

— Tu lui dis.

— Bon ok ! Je lui expliquerai.

La cour de l’élémentaire grouillait de monde, d’enfants surtout, de parents un peu aussi, les grands étaient déjà en rang, c’est qu’il ne faudrait pas perdre du temps sur le programme. Nous étions en 2004, Félix avait tout juste 9 ans, il entrait au CM1. C’était mon école quand j’étais petite, j’étais dans mon élément, je me dirigeais directement vers la maîtresse.

– Bonjour, je suis la maman de Félix, il faut que je vous dise que Félix a des problèmes de santé, il fait des absences et il n’entend plus, il s’arrête dans ce qu’il fait, mais il rattrape bien, si vous pouviez le placer devant ce serait mieux pour lui, merci c’est gentil.

– Vous z’inquiétez pas ! Là j’entendais la maîtresse dire « ma p’tite dame » avec ses yeux, la rentrée va bien se passer, allez mes élèves on avance vers la claaasse !

Pfeuh ! C’est pas gagné ! j’avais l’impression de passer pour la maman poule et que mon sujet n’était pas sérieux du tout aux yeux de la maîtresse. Ça ne me gênait pas de passer pour la maman chiante de la rentrée, c’est plus pour Félix qui sera tout seul face à la maîtresse, parce que lui, tout dans le rang qu’il était, il avait bien vu que la maîtresse n’y croyait pas à mon histoire d’absences.

Nous n’avons pas eu à attendre trop longtemps, trois jours après, la maîtresse en stress :

– J’veux vous voir madame Charvin, c’est grave ce qu’il a Félix et c’est souvent dans la journée !

– oui.

Un oui calme, presque de fatigue, chaque année c’était pareil.

Très vite, un véritable lien de confiance s’était tissé entre Félix et sa prof de CM1. Elle avait déjà exercé auprès d’enfants malades ou handicapés, avec des pathologies plus graves que celles mon fils. Lors d’une sortie à la piscine, sortie à laquelle je devais accompagner Félix*, j’avais perçu chez elle cette capacité à faire confiance. Sur le bord du bassin, j’avais surpris la prof en admiration devant mon fils qui nageait sous l’eau, elle avait lâché tout bas « et en plus il sait super bien nager ! »

L’épilepsie, comme le compteur électrique qui disjoncte

L’année suivante, le prof de CM2, Monsieur C., un personnage discret et très apprécié pour sa disponibilité, avait réservé un petit temps à Félix dès le 1er jour pour expliquer sa maladie à toute la classe. Nous en avions discuté avant, Félix se sentait d’expliquer comment tout se met en route en même temps dans son cerveau et que tout s’arrête, comme à la maison quand le compteur électrique disjoncte. Il expliquait aussi quels étaient les dangers pour lui quand il était sur la route, une absence pouvait déclencher un automatisme de la marche et il pouvait traverser comme ça, les yeux ouverts mais sans rien voir ni entendre…

Il présentait ça avec ses mots d’enfant à tous les élèves qu’il connaissait pour certains depuis la maternelle. Ce qui est sûr, c’est que toute la classe le soutenait, toute l’année. Les copains avaient adopté les mêmes réflexes d’alerte que nous avions en famille, très attentifs aux moindres signes de crise d’épilepsie. Félix pouvait en faire 50 fois par jour, 100 fois, parfois plus… De cette solidarité naturelle sont nées de belles amitiés qui durent encore aujourd’hui.

* L’activité sportive dans l’eau n’est pas contre indiquée. Mais les noyades sont une cause majeure de mortalité chez les personnes épileptiques. Pour toute activité en piscine ou milieu naturel, il est conseillé d’en parler avec son médecin pour établir un cadre bien précis de surveillance individualisée, de l’observance du traitement…