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2007, ce n’était pas une période très agréable à traverser, j’avais besoin de travailler pour avoir un peu d’argent mais surtout pour faire quelque chose qui avait un sens. Le souci de santé de mon fils prenait une grande part dans mes préoccupations, mes états d’âme passaient après. Cette année- là, j’avais saisi le tribunal administratif pour faire respecter les droits de mon fils, j’y avais mis toute mon énergie de maman ourse comme d’habitude.

Félix avait toujours été à l’école en partie grâce au soutien de ses camarades. Chaque rentrée scolaire, c’était un petit rituel pour lui et sa classe, il expliquait ce qu’était la maladie de l’épilepsie avec ses mots à lui. Ceci lui valait la compréhension et le soutien de tous les élèves. C’était eux qui l’entouraient pour marcher au bord de la route par exemple lors des sorties scolaires.

Cette année, j’avais décroché un poste comme EVS* au sein d’une école maternelle et primaire de Toussieu, ville voisine. Au printemps, je faisais la rencontre d’une conseillère pédagogique en visite à l’école. 

— J’ai besoin de conseils pour mon garçon qui fait de l’épilepsie absence depuis ses 3 ans et demi (1999), on galère à l’école depuis des années… je me confiais de notre parcours et de ma fatigue.

— Il faut mettre en place un PPS* !  C’est un plan pédagogique mis en place entre l’école, les parents et la conseillère pédagogique, il définit les modalités de scolarité de l’enfant, vous y avez droit !

Génial ce truc, ça fait des années qu’on galère et il a fallu que je sois EVS dans une petite école d’un petit village du Rhône pour apprendre que des choses existent pour nous aider ! La procédure s’est donc enclenchée, le proviseur du collège de mon fils ne semblait pas vraiment enchanté, j’en ai eu la confirmation plus tard. Nous avons signé un protocole pour la scolarité de Félix, enfin son problème de santé était reconnu officiellement en milieu scolaire. Il aurait droit à des aménagements pour les contrôles et droit à une AVS* ! Oui, une auxiliaire de vie scolaire pour l’accompagner sur les trajets pour le sport chaque semaine. Il n’avait pas besoin de quelqu’un à ses côtés en classe car il savait bien raccrocher les wagons mais d’une surveillance au bord de la route à chaque sortie pour le sport ou autre. Lors d’une crise d’épilepsie absence, Félix pouvait perdre le lien avec la réalité et paradoxalement se mettre à marcher en changeant de direction, donc sans conscience des dangers de circulation. La neurologue nous avait alertés sur les risques de se faire renverser par une voiture.

Alors que sur toutes les antennes de TV et radio le président de l’époque, Nicolas Sarkozy, claironnait sa fierté d’attribuer des AVS à tous les enfants handicapés ou malades scolarisés, la demande d’AVS nous avait été refusée (décision de la CDAPH* le 06/09/2007) …pas assez d’heures… La maman ourse que je pouvais être a pris le relais en saisissant le tribunal administratif pour faire appel. Je ne savais même pas que ça existait.

J’ai fait une belle lettre expliquant le contexte, les risques qui justifiaient notre demande d’AVS au moins pour les sorties en extérieur. Un certificat médical de la neurologue était joint à notre appel. J’avais pris soin de rajouter un sacré pavé en bas de page en menaçant d’informer tous les organismes suivants si ma demande n’aboutissait pas : assurance, police, avocat, 60 millions de conso, rectorat, ministre, mairie, associations… sans oublier la presse bien sûr !

Ce sont des enfants de 12 ans qui veillaient sur Félix au collège

Lundi 3 mars 2008, Tribunal du contentieux de l’incapacité de Lyon 3, nous étions tous les trois à l’audience, Félix, Hervé et moi, bien décidés à nous faire respecter. Avant notre passage, nous avons assisté à l’affaire précédente. Une grand-mère très affaiblie, seule à élever sa petite-fille atteinte d’épilepsie, n’ayant plus de revenu et de moins en moins la santé pour assumer cette lourde responsabilité. Quand elle a expliqué sa situation délicate, on voyait bien qu’elle ne manquait pas d’amour pour sa petite-fille. Comment elle en est arrivée là, à saisir le tribunal pour demander de l’aide avec des larmes plein les yeux ? Cela m’a donné encore plus de force pour affronter la grande table du jury, ils étaient au moins 5 à lire ma lettre attentivement. J’étais debout face à eux guettant leur réaction.

— Non non il n’a pas droit à une AVS, un des membres réfléchissait à voix basse (Oui dans le schéma idéal, l’élève doit être très très handicapé, il faut que ça valle le coût ! par contre ça ne le gêne pas que ce soit des enfants qui veillent sur un autre enfant du même âge dans le cadre scolaire en plus !) Prête à dégainer mes arguments, je n’ai pas eu le temps de bondir qu’un autre le contredisait.

— Si si, son cas rentre dans les critères d’attribution définis par la loi, il a droit à une AVS.

Est-ce mon habit de maman ourse qui les a impressionnés ou est-ce mon petit pavé à la fin de ma gentille lettre de 2 pages ? Bref, nous voilà en quête d’une AVS. J’ai passé mes journées à essayer de joindre la MDR* ou la MDPH* dont le personnel était en congé et le répondeur saturé.  Finalement c’est « un » AVS qui a été présenté quelques temps après à Tintin pour faire avec lui et sa classe le trajet du lycée au gymnase 2 fois par semaine. Nous ne l’avons jamais rencontré mais tout se passait bien. Au bout de quelques semaines, l’AVS n’est plus venu et n’a pas fourni d’excuse ni de raison au proviseur du collège. Nous, parents, l’avons su seulement en fin d’année par hasard en discutant lors d’un conseil de classe…

Forte de cette expérience, j’avais fait part de mon intention au proviseur et aux profs d’informer les autres parents de ce qui pouvait exister pour les aider dans la scolarité de leurs enfants malades ou handicapés. Tous m’avaient sagement écoutée à la fin d’une réunion pour une sortie de fin d’année. A la sortie de son bureau, le proviseur m’avait confié qu’il ne souhaitait pas vraiment que les parents soient trop bien informés des outils à disposition :

— Vous comprenez, toutes ces démarches vont me rajouter trop de paperasse.

EVS : Emploi Vie Scolaire, un contrat précaire de 20h environ par semaine

AVS : Auxiliaire de Vie Scolaire

MDR : Maison Départementale du Rhône

MDPH : Maison départementale des personnes handicapées

PPS : Le projet personnalisé de scolarisation (PPS) est un document qui sert à définir le déroulement de la scolarité de votre enfant et ses besoins notamment en termes de matériels pédagogiques adaptés, d’accompagnement, d’aménagement des enseignements. Il s’adresse aux enfants reconnus en situation de handicap par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Le PPS doit être mis en place quelle que soit la nature de l’établissement où est scolarisé votre enfant. https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33865

CDAPH : La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées

+ d’infos sur les dispositifs d’aide à la scolarisation : https://www.monparcourshandicap.gouv.fr/scolarite/ppre-pai-pap-pps-en-quoi-consistent-les-differentes-possibilites-dappui-la-scolarisation

https://www.gouvernement.fr/action/l-ecole-inclusivehttps://www.education.gouv.fr/les-accompagnants-des-eleves-en-situation-de-handicap-12188